Souffrance

Article : Souffrance
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10 septembre 2020

Souffrance

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Souffrance – via Canva
Ce texte parle de la souffrance qui parfois assaille notre être intérieur. Douleur lancinante qui met en cage un esprit humain. Dans ces moments, garder espoir peut relever de l’ordre de l’impossible.

Je la regarde dans les yeux et mon cœur se brise encore une fois. Ou du moins il lutte pour le faire. Mais depuis le temps, il ne reste plus rien à briser. Ça fait déjà longtemps qu’il est en lambeaux, mon pauvre petit cœur.

Il bat très lentement et chaque battement scande tout doucement : souffrance, souffrance, souffrance. S’il bat si lentement, c’est qu’il ne peut faire mieux. Il est occupé à verser des larmes amères au goût de défaite cuisante.

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Cœur en pleurs – par Mariana Anatoneag de Pixabay

Vivoter au lieu de vivre. Grappiller des miettes, au lieu d’avoir la prétention de posséder. Espérant et attendant la délivrance. La désirant plus que tout. L’appelant de tous ces vœux. 

Je m’ouvre à elle. Je m’ouvre à la souffrance, parce que je la connais intimement. Elle s’engouffre en moi. Je reconnais son côté tranchant et abrasif. Je me réapproprie son goût de clous rouillés et de vieilles choses en décrépitude. 

Elle déverse une louche entière de lave en fusion dans mes entrailles. Cette vieille souffrance vibre en moi, tel un instrument de musique mal accordé. Le crissement strident et discordant déchire mes entrailles, et vrille mes tympans avec une rage sans cesse renouvelée. La douleur est intense. Mon esprit chancelle sous les coups.

Le chagrin enlace mes organes vitaux de son étreinte de glace. Le désespoir me traque comme une bête sournoise tapie dans les herbes hautes. Il s’agrippe à moi telle une sangsue géante et hideuse.

J’ai une sensation d’irréalité. La souffrance fleurit sous mes pieds, pareille à une herbe malodorante.

Elle marche sur moi et piétine mon cœur. Elle n’a aucune pitié.  À chaque fois elle me laisse à vif et vulnérable.

La souffrance comme une vieille amie

Mais, j’accueille cette souffrance telle une vieille amie. A force de vivre et de me réveiller avec elle à mes côtés, elle est presque apaisante. Je la hais, mais je l’aime d’une manière assez tordue.  Elle me fait  me sentir vivante.

Ça fait un moment que je ne ressens ni joie, ni plaisir, ni aucun de ces sentiments positifs qui rythment le parcours terrestre de l’Homme.

Alors la souffrance est le seul indicateur que je suis toujours en vie. Qu’Elle ne m’a pas complétement détruite.  Je n’ai même plus la force de me mettre en colère. Il y a longtemps que je suis vaincue, soumise, défaite. Elle m’a mise à genoux depuis belle lurette. Elle a dompté ma fougue et m’a laissée aussi démunie qu’un nouveau-né.

 Son regard posé sur moi est sans pitié. Je ne sais pas ce qui me pousse à poser cette question ultime : « Pourquoi ? ». Elle me toise et esquisse un sourire. 

 Je sens quelque chose qui se décroche dans ma poitrine. J’entends distinctement le bruit que fait un objet aussi fragile qu’un verre de cristal en se brisant.

C’est à ce moment que je me rends compte que contrairement à ce que je pensais, il reste encore quelque chose à briser en moi. J’ai encore de l’espoir. Il se cache dans les replis les plus obscures de mon cœur, là où aucune lumière ne pénètre jamais.

Je prends conscience du fait que j’avais peur de ressentir cet espoir. Peur de vivre dans cette attente secrète.

J’aurais mieux fait de comprendre et d’accepter le fait que mon lot est la souffrance. C’était écrit avant que je ne vienne.

Et ce bruit insignifiant à l’échelle de l’univers, mais tonitruant à mes oreilles, est le son de ce fragile petit espoir qui s’est fissuré de partout.

La souffrance m’étreint violemment. Mon cœur flanche, et pendant un moment je crains presque que cet organe, ô combien vital !, ne s’arrête de battre.

Je crains tout en espérant. Mais tout au fond de moi, je sais qu’il n’est pas encore temps.

Je redresse les épaules. Je me détourne d’Elle. Et un pas après l’autre, je m’éloigne. J’ai la tête haute et le port d’une reine.

Je suis grande et fière. Je m’éloigne tout en sachant que je ne peux lui échapper. Je sens la brulure de son regard dans mon dos. Je m’imagine qu’en ce moment précis elle dessine une cible entre mes omoplates.

Mais je ne m’arrête pas. Je m’efforce d’avancer quel qu’en soit le prix.

Je m’en vais, emportant avec moi mon amie de toujours, la souffrance. Compagne certes peu recommandable, mais compagne malgré tout.

Espoir en dépit de tout

Entre deux battements de cœur, je repense à ce sourire et j’ai un mouvement de révolte. Je réalise que je ne peux pas abandonner la lutte. Je ne le peux. Il me faut continuer.

Il me faut attirer vers la lumière, ce jardin dissimulé où l’espoir existe toujours. Peut-être est-il à l’état de bourgeon rabougri. Il me faudra alors l’entretenir. Le sortir des ombres et le chérir. Et si jardin il n’y a plus, il me faudra alors le faire pousser de mes mains.

 Il me faut croire que cette souffrance me forge et qu’un jour elle me rendra forte. Plus forte que je n’ai jamais osé espérer l’être.

Il me faut croire qu’il y a une porte de sortie. Je me prends à espérer que si la souffrance a été écrite, cette porte a été aussi dessinée. Je finirai bien par la trouver.

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Portes ouvertes – par mcmurryjulie de Pixabay

Il me faut croire qu’un jour je mettrai à la porte cette vieille amie indésirable qu’est la souffrance.

Tant que mon cœur bat, il y a de l’espoir. Je me répète cette phrase comme un mantra en m’éloignant. Tant que mon cœur bat, il y a de l’espoir.

Elle, c’est la Vie. 

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