Hymne à la pluie

J’ai toujours aimé la pluie. Il n’y a presque rien de plus apaisant que d’écouter les gouttes d’eau s’écraser sur le sol. En tout cas à mes yeux.
Pourrais-je décrire la beauté saisissante d’un ciel gris délicatement perlé annonciateur de pluie à un aveugle ? Ou encore la magnificence ravageuse d’un ciel gris anthracite alors que la tempête fait rage ?
Pourrais-je espérer décrire le tonnerre à un mal entendant ? Ce grondement qui a la résonance sonore d’une armée s’écrasant dans un goulet d’étranglement ?
Saurais-je expliquer à une personne souffrant de dysfonctionnement olfactif la qualité exceptionnelle du vent qui annonce la pluie ? La richesse des odeurs qui montent du sol mouillé après son passage ?
Saurais-je décrire la beauté affolante de l’éclair à un non voyant ? La précision du zigzag majestueux de la foudre qui frappe la terre ?

Je ne pense pas et je n’ai pas cette prétention. Mais je peux toujours exprimer ma passion pour ma superbe amie de toujours.
Amour immodéré
J’aime tout de la pluie. En fait j’aime les temps gris. Je ne trouve rien de plus beau et apaisant qu’un ciel sombre en pleine journée.
J’aime la façon dont les nuages s’amoncellent progressivement dans le ciel. Les premières gouttes de pluie qui tombent lascivement. Les suivantes qui s’écrasent de plus en plus violemment.
J’aime le bruit que fait la pluie en tombant. J’aime les odeurs qu’elle laisse dans son sillage. Je suis tout simplement amoureuse de la beauté fatale de son panache.
La pluie m’apaise. Quand elle s’invite, je m’octroie le droit, le plaisir de ralentir, voire de m’arrêter et de respirer. Juste respirer.

Alors je me pelotonne dans mon lit quand j’en ai l’occasion, et je rêvasse. Parfois je lis. D’autres fois je la laisse juste me bercer. Je me laisse aller à l’aimer encore plus.
Même quand j’ai des obligations, la pluie a ce don de créer un noyau de tranquillité au fond de mon être. Quand les éléments se déchaînent je trouve la paix au cœur de la tourmente. La pluie a ce côté profondément rassurant qui enveloppe mon esprit tel un duvet douillet.
Alors si vous prévoyez de me chercher des poux, faites-le par temps de pluie. Je serai certainement plus encline à passer l’éponge.
Paradoxalement, je ressens une grande excitation quand j’entends la pluie arriver. Elle gronde au loin et presque inévitablement mon émoi atteint des sommets inégalés. Des bulles pétillent dans mon esprit et je m’emballe.
Je redeviens cette enfant qui posait un regard plein d’étoiles sur la vie. Il est assez rare que par temps de pluie je ne sois pas gaie. Je me demande comment la toute puissante science explique ce phénomène.
Et quand la pluie s’éloigne, mon excitation reflue tout doucement. Le petit nuage sur lequel je me trouve se dissous et je redescends sur terre, aussi légère qu’une plume.
Je ne m’en lasse jamais. Même quand elle me surprend dehors et me laisse grelotante et transie, je n’arrive toujours pas à ne pas l’aimer.
La pluie lave la noirceur de mes pensées. Elle éloigne les ombres qui rôdent dans mon esprit, alors comment pourrais-je ne pas l’aimer ?
En écrivant, je me rends compte que je ne peux pas réellement exprimer ce que la pluie me fait ressentir. La pureté du scintillement que cette eau cristalline suscite en moi. La force des émotions brutes que le vent qui se lève éveille dans mon cœur. Je ne peux qu’essayer de vous communiquer par de modestes mots mon ressenti.
Je suis consciente que je pourrais passer pour une allumée. Une timbrée. Une givrée du ciboulot. Faites votre choix. Mais il se trouve que je ne peux rien contre ce que je ressens.

La prochaine fois que vous verrez les gouttes d’eau laver la crasse de la terre pour nous la restituer aussi propre qu’un sou neuf, essayez de ressentir autrement. Ouvrez votre perception. Peut-être y découvrirez-vous une beauté qui vous était jusque-là dissimulée.
J’ai rencontré dans ma vie bien peu de personnes qui apprécient à sa juste valeur l’éclat de la pluie. Si peu d’entre nous perçoivent ce chant mélodieux et ressentent cette attirance inexorable. Mais je me réjouis de savoir que je ne suis pas la seule dans le cas.
Vous avez dit pluviophile ? Je le suis certainement. Et je prévois de l’être longtemps encore. Oui, je suis dithyrambique sur le sujet mais je vous assure que je me retiens.
Vous ne me comprenez peut-être pas, mais je ne vous blâme pas pour cela. Pas par grandeur d’âme, non. Tout simplement parce qu’en mon for intérieur, je ne vous comprends pas non plus. J’avoue ne pas saisir cette hérésie qui est vôtre. Parce que oui, ne pas se pâmer devant cette splendeur relève de l’hérésie. Sauf votre respect.
Plus sérieusement je trouve désolant le fait de ne pas aimer la pluie. Mais en même temps je comprends que si tous les représentants de la race humaine étaient comme moi, la terre serait un bien triste endroit où vivre.
Alors de quel bord êtes-vous ? Me trouvez-vous folle à lier, ou est-ce que ces mots trouvent un écho au fond de vous ?
Ô pluie, pluie, pluie, belle pluie.
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