Apprendre à aimer ce que j’aime déjà

Article : Apprendre à aimer ce que j’aime déjà
Crédit: Image par un-perfekt de Pixabay
13 mars 2024

Apprendre à aimer ce que j’aime déjà

Apprendre, continuer à apprendre. Jusqu’au point où il faille apprendre à aimer ce qu’on aime déjà.

Aujourd’hui, nous sommes le 27 février. Année de grâce 2024. Cela fera bientôt un an que je n’ai pas pris la plume. Ou du moins, que je n’ai pu rédiger un texte jusqu’à sa toute fin. Mon bloc-note est jonché de lambeaux de textes. Des textes commencés mais jamais achevés. Des bouts d’écrits naufragés qui gisent sur la grève, au milieu des galets chatoyants. Ces galets, voyez-vous, sont les vestiges du scintillement que fut mon intérieur, foisonnant d’une faune époustouflante d’idées et de mélismes en débauche.

Pour quelle raison ? Entre autres choses parce que je ne parviens plus à me concentrer. Mes pensées sont semblables à une poignée de sable, par une journée où le vent balaye une plaine en rafales impétueuses. Parfois, je leur cours après, essayant tant bien que mal, de les rabattre vers leur tanière. Mais, elles s’enfuient loin de moi, cravachant leur génie avec hargne. Tout, plutôt que me laisser les dompter.

Ce qu’il est advenu

Start, début, apprendre
Image par S K de Pixabay

Depuis un an et demi, je suis terriblement mal-en-point. J’ai fait la connaissance d’une maladie que rien ne me destinait à rencontrer. Cette superbe affliction m’a rendue méconnaissable en l’espace de trois mois. Si changée, que lorsque je me regarde dans un miroir, je me demande, non point qui je vois, mais ce que je vois. Je ne m’identifie pas à l’image que les surfaces réfléchissantes me renvoient. À l’intérieur de moi, je sais bien que c’est toujours moi. Moi, indéfiniment cabossée mais résiliente. Pourtant à l’extérieur, je passerai à côté de moi dans la rue, sans qu’une lueur de reconnaissance ne vienne illuminer mon regard.

Il se trouve que mon corps ne produit plus du cortisol. C’est une hormone produite par les glandes surrénales sous la guidance de l’hormone ACTH (Adrénocorticotrophine), elle-même produite par l’hypophyse située dans le cerveau. Peut-être la connaissez-vous sous l’appellation hormone du stress. Cette désignation est souvent usitée, parce qu’il rentre dans ses fonctions d’aider le corps à réguler le stress physique et émotionnel. Mais pas que.

Elle intervient dans énormément de fonctions vitales dans l’organisme. Notamment dans la régulation de la glycémie, dans le fonctionnement du système immunitaire, dans le métabolisme des graisses, dans le maintien des fonctions musculaires, et dans bien d’autres fonctions sur lesquelles je ne m’étendrai pas maintenant. Ailleurs, peut-être, possiblement, si j’y parviens un jour.

État clinique vs réalité biologique

Réalité clinique, réalité biologique
Image par Robin Higgins de Pixabay

Mon corps donc, ne produit plus du cortisol. Je souffre d’insuffisance surrénalienne. Biologiquement, je suis en hypocorticisme (Ou encore hypocortisolémie). Mais, contrairement à ce que la science en dit (du moins de ce que j’en sais), j’ai développé tous les symptômes d’une production excessive de cortisol, donc d’un hypercorticisme.

Comprenez que mes examens sanguins disent que je suis en hypocorticisme. Mais cliniquement, je suis frappée par la totalité des symptômes de l’hypercortisolémie. Dis simplement, cela signifie ceci : mon sang affirme que je suis dans le moins, là où mon physique et ma psychologie clament que je suis dans le plus. Cette partie de l’histoire est décoiffant de fond en comble.

Jusque là, aucun des médecins, docteurs, professeurs, et endocrinologues qui se sont penchés sur mon cas, n’ont été en mesure de me donner une explication claire et satisfaisante à cette troublante singularité.

Rare & tragique

Tragédie, questionnements
Image par John Hain de Pixabay

Je présente tous les symptômes du syndrôme de cushing à une ou deux exceptions près. Aussi bien les symptômes physiques que psychologiques. Nous parlons d’une maladie rare. De l’ordre de 1 à 10 nouveaux cas sur 1 million par an. J’ai touché le jackpot à plus d’un titre. Suivez le lien pour plus d’informations (pensez à faire le tour des onglets).

Nous sommes un réseau de nerfs et de cellules qui cohabitent ensemble. Dans les faits, ils sont conçus pour œuvrer simultanément. Mais, suite à une tragédie, la communication entre eux est coupée. Ils se retrouvent désœuvrés et esseulés, chacun essayant dans son coin de produire un résultat approximatif.

L’unique chose à faire est d’établir une communication médicamenteuse entre eux, en attendant le Miracle qui va les remettre en liaison. Et, comme espérer la simplicité est un vœu pieux, même ce pansement de fortune n’est pas exempt de complications. J’en parlerai peut-être.

Ce qui en a découlé

Conséquences
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Le résultat de cette maladie, c’est que je me retrouve terriblement handicapée. Mon corps ne me reconnaît plus le droit de lui donner des ordres. Mon esprit lui, est semblable à un château qui émerge par intermittence des bras fantomatiques d’un brouillard épais.

J’ai voulu écrire une série de billets sur la question. Le comment, le pourquoi, le chambardement, les conséquences. J’ai fantasmé tirer la sonnette d’alarme, sensibiliser. J’ai désiré vous confier mon ressenti, mon corps à vif. Mon cœur déboussolé.

J’ai souhaité dire mon esprit en déroute dans un milieu où les faiblesses relatives à la psyché sont assimilées dans le meilleur des cas à un caprice, à une lubie. Ou encore à une excuse pour justifier la fainéantise. J’ai voulu donner voix à mon quotidien renversé. Dire les regards parfois intrusifs, mais le plus souvent fuyants, et l’incompréhension manifeste malgré les explications interminables.

En fin de compte, je ne suis parvenue à finaliser que deux billets. Et, en les relisant des mois après, j’ai vu l’emportement affleurer à chaque ligne. La causticité percer au détour de chaque ponctuation. Je ne m’en étais pas rendue compte en ce temps-là. Mais, maintenant que je prends du recul, ces deux textes exhalent des relents de sentiments secs et poussiéreux. L’effeuillage s’est avéré encore plus problématique que prévu. Je mets les liens ici, et encore ici.

Une période de transition

Apprendre, changement
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Dans ma vie, il y a un avant 2022, et un après. Actuellement, je suis dans une période de transition. Je vais mieux. Je « désamplifie » tout doucement, et les maux infernaux, eux aussi refluent. Il y a quelques jours, je me suis réveillée en étant totalement lucide. Sur une échelle de 10, je me suis située autour de 8/8.5, là où je voguais dans les alentours de 0,5/2 sur 10.

Ceci étant dit, je ne m’étais pas rendue compte jusqu’à quel point j’étais dans le cirage durant ces derniers mois. Je n’avais pas évalué clairement le marasme dans lequel mon esprit végétait. Je peux à nouveau suivre avec une certaine précision le fil de mes pensées. Raisonner logiquement. Aligner plus de deux pensées qui ont du sens. J’émerge tout doucement de la léthargie et du déboussolement ; de l’apathie et de la confusion mentale ; de la prostration et de la grisaille qui ont été ma norme durant plus de 365 jours.

Si preuve il en faut, me voici en train de sculpter des lettres pour en faire des mots. Puis de ces mots, des phrases qui se veulent avoir un sens. Je l’espère du moins. Je n’évolue peut-être pas aussi vite que je le désire. Peut-être que mon esprit ne réagit pas vraiment au quart de tour. Il est possible que mon intellect soit sujet à plus d’un bug en essayant de suivre le tracé d’une réflexion. Il est probable que mon texte n’ait pas le panache de ceux auxquels j’ai auparavant donné le jour. Voire qu’il soit truffé de coquilles que mon esprit brumeux ne me permet pas de débusquer.

Mais, j’écris. J’écris ! Vous vous rendez compte ? J’écris. De toute évidence, ça m’avait manqué. D’aligner des mots juste pour le plaisir de me perdre dans leur ondoiement soyeux. Ça m’avait manqué. De laisser leur suavité caresser mon esprit. Et de vous convaincre de dévoyer votre for intérieur en ma compagnie. Vous m’avez manqué ! Et bien plus encore, je me suis manquée.

Apprendre à aimer

Livre, apprendre,
Livre ouvert – Image par Dariusz Sankowski de Pixabay

Dans les circonstances actuelles, j’en suis réduite à devoir apprendre à aimer ce que j’aime déjà. Il se pourrait que cette formulation soit pour le moins étrange. Mais, elle résume assez bien ma situation. En tout premier lieu, il me faut apprendre à aimer écrire. Acquérir à nouveau le désir de m’éblouir moi-même. Puis, m’atteler à vous courtiser avec empressement, à coup de saillies échevelées et d’envolées lyriques.

Ensuite, apprendre à aimer lire. Ça fait longtemps que je n’ai pu suivre le fil d’Ariane dans les méandres de l’esprit d’un bel écrivain. Tout au plus, me suis-je égarée dans l’antichambre de ses pensées. Lire, un des nombreux amours que j’ai temporairement perdus. Je suis aise d’avoir la grâce de pouvoir laisser « lire » me conquérir une fois de plus. Même si ça veut dire tout reprendre de zéro, et repasser par l’étape triviale du légendaire : « Quelle est ta couleur préférée ? »

En dernier lieu, apprendre à aimer la Moi qui se tiendra debout après que la poussière soit finalement retombée (Je vais t’aimer chérie. Je te le promets.)

PS : Si vous lisez ces lignes, c’est que j’ai réussi à poser un premier tout petit pas sur le chemin d’apprendre à aimer. Ça m’aura pris deux semaines. La date en début de texte sert à ça. Un repère.

Une féroce déferlante de soulagement me balaye de part en part. J’y suis arrivée.

De moi en pleine édification, à vous que j’espère solidement bâti, prenez soin de vous,

Délivrance.

Image par congerdesign de Pixabay

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Commentaires

AGBEMELE Kodjo
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Sois la bienvenue parmi nous ! On parle du reste en off.

Délivrance
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Le chemin a été long. Merci cher toi !

Emy
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Quel beau texte, vous êtes une femme forte, chaque mot prouve ceci. Tes mots me parlent beaucoup puisque moi aussi j'ai eu des problèmes de santé ces dernières années. Soyons courageuses ma chère

Délivrance
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Merci Emy. Oui, soyons courageuses.
Je vous envoie un peu de la force qui me revient. Puissions-nous promptement nous remettre.

TOURE Audrey Marie-Louise
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très beau texte. courage

Délivrance
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Double Merci Audrey Marie- Louise !

Marina tem
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Tiens bon, le désordre hormonal des glandes surrénales est très difficile à gérer, pourrais tu essayer de tevacuer? Je n'ai pas saisi le paradoxe entre tes examens biologiques et tes symptômes physiques ?
Aller à la rencontre de médecin étrangers pourrait t'aider.
Bonne chance !

Délivrance
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Hello Marina. Merci pour ton commentaire. Justement, ce paradoxe demeure un mystère même pour les médecins.
En ce qui concerne les médecins étrangers, j'ai déjà un peu exploré cette piste.
Merci !