Jeux olympiques : souvenirs et autres

Article : Jeux olympiques : souvenirs et autres
Crédit: © REUTERS/Lucy Nicholson
16 juillet 2024

Jeux olympiques : souvenirs et autres

Les Jeux olympiques sont assurément un incontournable dans le monde du sport. Ces muscles qui se contractent à l’unisson. Cette sueur qui coule dans le but de gagner des trophées, de faire la fierté de la terre de ces ancêtres. Une poignante symphonie de grâce, d’adresse, de souplesse, de force brute, de vitesse, d’endurance. Je partage avec vous mes souvenirs impérissables des Jeux olympiques.


Anneaux olympiques, jeux olympiques
Anneaux olympiques – Image par dan onaca de Pixabay

Jeux olympiques, le Togo & Benjamin Boukpeti

Il serait de bon ton de dire, pour commencer, que le Togo n’a jamais été un pays qui a été massivement représenté aux Jeux olympiques. Non point que nous n’ayons le potentiel qui fait le genre d’athlètes qui écrivent l’histoire. Je pense que c’est juste parce que nous rencontrons encore des bugs dans la mise en place de structures qui favoriseraient l’émergence et le polissement des talents latents (comme ces deux mots s’emboîtent joliment l’un dans l’autre ! :)).

J’aime en effet à penser que le Togo regorge de talents qui n’attendent que de se laisser dénicher. Des diamants bruts qui se languissent d’être découverts et ensuite de se laisser polir, avant d’éblouir le monde, tandis que les Togolais, fiers, se rengorgent.

C’est la raison pour laquelle Benjamin Boukpeti a été une bouffée d’oxygène d’une originalité sans pareille. Une belle surprise que nul n’attendait. J’étais une adolescente à l’époque. Alors que j’essaye de me remémorer ces temps révolus, je découvre mes souvenirs étrangement embrumés. Néanmoins, je vais tâcher de faire revivre le frémissement qui subsiste dans mon subconscient.


Le kayakiste togolais Benjamin Boukpéti au JO de Londres en 2012 – © REUTERS/Lucy Nicholson

Pour ceux d’entre vous qui l’ignorent, je rappelle que Benjamin Boukpeti a une double nationalité. Togolais par son père et français par sa mère. Néanmoins, il est né et a grandi en France.

Je me souviens m’être demandée pourquoi

Pourquoi a-t-il choisi de compétir pour un pays avec lequel, somme toute, il n’avait en apparence aucun attachement fort ? Mais, le fait est qu’il a fait ce choix en 2003. Aussi, je suppose que contrairement aux apparences, il avait bel et bien un attachement en acier pour le Togo.

Il s’ensuivit qu’il a décroché pour le Togo sa toute première médaille olympique aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. A ce jour, cette médaille est l’unique gravée au nom du Togo. Nous parlons d’un bronze joliment lustré. C’est la raison pour laquelle je peux dire, qu’il a écrit l’histoire avec panache. Cela, le monde entier le sait. Par contre, il aurait fallu être au Togo pour savoir qu’à cette époque, la sortie inattendue du Togo du bac à sable a été un sujet de conversations comme s’il en pleuvait. D’ailleurs, je me souviens par bribes de certaines de ces discussions enflammées.


Bronze, romain
Plaque de bronze – Image par Siggy Nowak de Pixabay

D’abord, il y avait les extatiques

Comme on pouvait s’y attendre, une partie de la population a porté Boukpeti aux nues : Ah ! Le Togo ! Vous vous imaginez pareille merveille ? Le petit Togo en finale d’une discipline sportive aux Jeux olympiques ? Dieu bénisse Boukpeti ! Ce cher jeune homme dont le cœur est rempli de la fougue que seule donne la terre de nos aïeux ! Que sa descendance soit prospère et que son nom, jamais, ne soit effacé en dessous des cieux ! Boukpeti un jour, Boukpeti toujours !


Joie collective, coucher de soleil
Liesse – Image par Jill Wellington de Pixabay

En passant, cette catégorie de personnes a gentiment occulté le fait que, le Togo en lui-même n’avait pas contribué des masses à cette victoire.

Puis les théoriciens du complot

Et puis, il y a ceux qui disaient que Boukpeti n’était qu’une personne de plus à avoir trouvé dans le Togo un filon afin de s’enrichir vite et bien. Parce qu’il faut bien dire que les kayakistes, ce n’est pas ce qui manque à la France. Par conséquent, la compétition y est rude. Se démarquer est ardu au possible. Alors qu’au Togo où il n’y a aucune concurrence, briller est chose on ne peut plus aisée. Se faire encenser est un objectif relativement facile à atteindre.


Questionnement, homme noir
Homme noir en questionnement – Image par Tumisu de Pixabay

Dans cet esprit, cette catégorie considérait le cas Boukpeti, comment dirais-je, avec scepticisme. Ils gardaient le battage médiatique qui entourait le retour de ce fils prodigue dans leur vision périphérique, tout en faisant preuve d’un intérêt plus grand qu’il n’y paraissait. Ils pestaient contre celui qui, ainsi, accaparait des feux des projecteurs qui auraient dû mettre en lumière un vrai fils du pays.

Et enfin, il y avait les indifférents

Kayak ? De qui est-ce le nom ? Benjamin Boukpeti ? Et puis quoi encore ? Nous avons autre chose à faire. Étant donné que ce n’est certainement pas un objet circulaire qui danse au bout d’une lanière, qui mettra de la nourriture dans les assiettes de nos enfants, que nous importe sa victoire ?


Indifférent
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Par ailleurs, cette médaille a été rapportée par un jeune homme qui ne sait rien de nos réalités, de nos luttes, qui ignore la couleur du sang qui coule dans les veines des braves Togolais. Grand bien leur fasse s’ils se plaisent à l’introniser en souverain. Et la dame du marché de rétorquer :« Fovi va plé yébéssé laa!*». Et le monsieur qui tire sa charrette débordante d’ail de renchérir : « ayôooooo!*».

Qu’importe tout ce qui s’est dit, voici Boukpeti

Mais le fait indéniable est qu’aujourd’hui, Benjamin Boukpeti symbolise toujours une belle victoire. Il ne faut pas oublier que son nom sera sujet de fierté pour le Togo, aussi longtemps que ce pays subsistera sous les cieux et dans les cœurs. Sans contredit, Boukpeti a associé le nom de mon pays avec une chose belle et convoitée : une médaille olympique.



Je n’y avais jamais réfléchi avant d’écrire ce billet, mais j’aimerais avoir un jour l’occasion de lui parler en personne. De le regarder dans les yeux, et de lui demander quel a été le réel carburant de sa motivation à représenter le Togo, alors qu’il n’y était allé qu’une fois lorsqu’il était « tout bébé », au moment où il a pris cette décision majeure. Je ne peux me défaire de la curiosité qui a planté son dard dans mon esprit. Peu m’importe le nombre astronomique de fois où il a déjà répondu à cette question. Je veux pouvoir me faire une idée par moi-même, et non point me fier aux ressentis des autres, ainsi qu’aux écrans qui dissimulent si habilement certaines choses et en façonnent d’autres.

De surcroît, je lui demanderai ce qu’il ressent à voir son nom inscrit dans les annales du sport Togolais, et ce qu’il éprouve à être une représentation unique dans le genre, pour une jeunesse qui pourrait aspirer à suivre ses traces. Si vous passez par là, cher monsieur Boukpeti, j’aimerais réellement que se fasse ce tête-à-tête. Je prendrai plaisir à écrire un texte intitulé : « Benjamin Boukpeti, comme jamais vous ne l’avez connu »!

Comment le Togolais lambda vit l’imminence des JO de Paris

Mais revenons à l’actualité. J’ai un peu regardé autour de moi. La majorité de ceux avec qui je me suis entretenue n’ont aucun intérêt pour les Jeux olympiques qui se dérouleront sous peu à Paris.


Flamme olympique, jeux olympiques
Flamme olympique – Image par PublicDomainPictures de Pixabay

Dans les grandes lignes, la classe moyenne de la population togolaise est engluée jusqu’aux narines dans les problèmes du quotidien. Autrement dit, ils n’ont pas de temps à consacrer aux Jeux olympiques. Ils n’ont pas d’énergie à investir en envoyant des ondes positives aux sportifs. Ceci étant dit, il est possible que je n’ai pas interrogé les « bonnes personnes ».

Un certain nombre d’entre eux a malgré tout suivi la flamme olympique. Leurs cœurs ont battu d’anticipation en la voyant laisser des luminaires dans son sillage, à cause de leur amour pour le sport sous toutes ses formes.

Jeux olympiques et émotions fortes

Je marque une courte pause avec les informations en provenance du Togo, pour parler des émotions liées aux Jeux olympiques. Les Jeux olympiques sont intrinsèquement liés aux émotions. S’il y a bien un évènement qui évoque pour moi des émotions brutes de décoffrage, sans fioritures, des émotions qui ne sont pas « trafiquées » pour bien rendre à la caméra, ce sont bien les Jeux olympiques.


Femme, émotions
Femme sous le coup de l’émotion – Image par Thangphan de Pixabay

La Joie

Faites passer au ralenti la déchirante déferlante de joie qui écrase les coureurs après une course aux relais par exemple. Cela fait presque mal aux yeux de voir le « déchirement » de l’ivresse. La jubilation d’avoir réussi. L’exaltation de voir les espoirs les plus fous qui ont motivé chaque séance d’entraînement, chaque effort fourni, chaque larme versée, se concrétiser. Une joie sans pareille.

La Tension

Les Jeux olympiques sont aussi synonymes de tensions. Avez-vous vu l’intensité des regards des coureurs, des nageurs et autres compétiteurs alors qu’ils sont positionnés sur la ligne de départ ? L’atmosphère est à ce point chargée d’électricité que l’on a presque envie de détourner les yeux. Presque. Les poils se hérissent à cause de l’anticipation.


Course
Coureuses – Image par Thomas Wolter de Pixabay

J’ai rarement vu tant de crispation électrique dans des yeux, tant d’acuité dans des regards. Les épaules raidissent sous le fardeau des attentes. Ils portent le poids des espoirs. Leur propre espoir pour commencer. Ensuite ceux de leurs familles, de leurs proches. Et pour finir, ceux d’un peuple tout entier. Sans compter les espoirs de ceux qui les admirent, bien que ne faisant partie ni de l’une ni de l’autre catégorie.

La rage de vaincre

Vaincre : surpasser lorsqu’il y a une sorte d’émulation entre les personnes, surmonter un obstacle.

Commençons par examiner toute l’énergie de cette formidable machine qu’est le corps humain, mobilisée en prévision de la mêlée, au détriment de tous les processus physiologiques non essentiels. Un vrai shot énergisant. Des corps animés par, non pas juste un désir, mais un besoin irrépressible de parvenir au but qu’ils se sont fixé.

Patinage artistique
Patineurs artistiques en pleine performance – Image par WikimediaImages de Pixabay

En réalité, les Jeux olympiques sont aussi avoir un mental en acier. Être bon, voire excellent ne garantit pas la victoire si le mental est en lambeaux. En tout cas, je ne le pense pas. Il s’agit de surpasser les concurrents, mais aussi de se surpasser soi-même. D’aller plus loin, plus haut, plus fort, plus vite. De ne pas flancher en cours de route même si tout semble perdu. Tout donner dans l’espoir de tout rafler, ou du moins de s’en aller sans médaille, mais avec l’impérieuse certitude de s’être livré sans restriction. D’avoir réussi pour soi-même.

Tout va très vite. Que ce soit le triomphe ou la défaite. Qu’il s’agisse de désespoir et de tristesse. Qu’il soit question de dynamisme, de chaleur, des ovations, du partage, de la fraternité. Ou encore des rires mais aussi des larmes. Des montagnes russes émotionnelles qui se lisent sur les visages des compétiteurs. Les larmes tant de joie que de détresse sont d’une bouleversante authenticité. Et nos cœurs à nous spectateurs, bondissent avec les leurs. Nous pleurons et nous rions avec eux. Pour eux.

Les grands noms des Jeux olympiques qui ont bercés mon adolescence


Saut de haies
Course de haies – Image par Whitney Gibbens de Pixabay

  • Marion Jones, américaine de son état et impressionnante athlète sur le 100 m, le 200 m, et le saut en longueur. Malgré le fait qu’elle ait perdu une partie de ses médailles suite à ses aveux de dopage, elle reste une des athlètes qui m’ont marquée.
  • Dayron Robles est un athlète cubain, ancien détenteur du record du monde du 110 mètres haies en 12 s 87. Le voir sauter ces haies était tout un spectacle !
  • Yelena Isinbayeva est une athlète russe pratiquant le saut à la perche. Elle est l’actuelle détentrice du record du monde du saut à la perche féminin, avec 5,06 mètres. Sérieusement ?

  • Et pour terminer en beauté, je me tourne vers les athlètes de l’Éthiopie et du Kenya pour leurs formidables et indétrônables prestations dès lors qu’il est question d’endurance.

Et à tous ces grands noms que je ne pourrai mentionner ici, vos prouesses ont impacté mon esprit et m’ont fait rêver.

A l’intention des porte-étendards du Togo à Paris


Drapeau Togo, jeux olympiques , victoire
Drapeau du Togo – Image par David Peterson de Pixabay

En tout cas, mes bons vœux accompagnent les cinq athlètes qui feront onduler les couleurs du Togo dans les cieux. Trois femmes (qu’est-ce que je suis contente qu’il y ait des femmes !) et deux hommes défendront « l’or de l’humanité »* aka le Togo, lors de ces olympiades : Akoko Komlanvi à l’aviron, Naomi Akakpo à l’athlétisme, Eloi Adjavon au Triathlon, Jordano Daou et Adèle Gaïtou à la natation.

Donnez vos tripes et vos cœurs. Pour la terre que nous avons reçue en partage. Nous n’en demandons pas plus.

Vous l’ai-je dit ? Vous nous rendez fiers,

Délivrance


* Fovi va plé yébéssé laa : Du mina. Tonton ou jeune homme, viens acheter du piment

* ayôooooo : ail en mina.

* Togo chéri, l’or de l’humanité : Confère le couplet 2 de l’hymne national du Togo

Partagez

Commentaires