Joie

Article : Joie
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30 avril 2023

Joie

Joie étymologie : Du latin gaudia, pluriel de gaudium, pris pour un féminin singulier en latin populaire. goie. Sentiment de bonheur, de satisfaction vive et intense.
Joie synonymes : Contentement, aise, plaisir des sens, volupté, exaltation, ivresse, jubilation, ravissement.

Sa joie & Elle

Elle ressent un curieux chatouillis au creux de sa poitrine. Comme si mille papillons se sont brusquement mis à battre indolemment de leurs splendides ailes chamarrées, en une rythmique séculaire au son de quelques battements connus d’eux seuls. 

Leurs ailettes éthérées effleurent délicatement les flancs de son cœur, tel le déploiement d’un splendide ouvrage arachnéen. En une lente et douce caresse qui l’invite à s’ouvrir à plus. Qui la supplie de ne pas se fermer à cette invite discrète et pourtant si brillante.

Elle veut résister. Elle le veut vraiment. Elle résiste très fort. Ce n’est ni le lieu, ni le moment pour se livrer à de pareils débordements. Mais, ses lèvres s’ouvrent à leur corps défendant. Son rire cascade en déferlantes luxuriantes qui balaient tout sur leurs passages. 

Elle sait que son visage est transfiguré. Elle sait que les couinements que sa gorge laissent échapper, ne sont en rien comparables aux cloches cristallines, que vantent les écrits encensant la perfection de femmes, qui peut-être n’ont jamais foulé cette terre. Son esprit examine cette pensée un instant. Rire cristallin. Cela ne fait que la réjouir davantage.

Elle sait que si elle se tourne vers le hideux miroir qui trône dans l’entrée, elle tiendrait plus de la tant crainte Karaba que de la gracile Raiponce. Une joie vrombissante et sans fioritures. Une joie vraie et sans apprêt. Elle a conscience du regard curieux de ses vis-à-vis. Elle sait à quel point son accès de joie est déplacé.

Mais, elle ne peut la contenir. Cette joie qui comme mille cymbales harmoniques, s’échappent d’elle par vagues suffisamment puissantes, pour lever la grisaille de cette journée dédiée à la tristesse, à la conscience de notre mortalité et au repentir.

La joie lui fait cet effet. Étrange moment pour retrouver ce fourmillement euphorique. De la joie qui joue de son corps, comme d’une cornemuse aux accords de paradis.

Celui qui observe la joie

Je l’observe. A un battement de pouls près, je peux percevoir la tierce précise où son humeur change. Les visages graves autour d’elle ne semblent plus l’affecter ex abrupto. Ses yeux chagrins, moroses – ou plutôt revêtus du voile pudique de la morosité pour l’occasion – se sont mis à briller. Une mini supernova.

Je ne vois rien autour de nous qui puisse expliquer ce changement. Toujours est-il que d’une certaine manière, pour une certaine raison, ses yeux se sont mis à scintiller. Son visage se métamorphose. Je sens venir une catastrophe aux proportions épiques. Pas ici. Pas à la célébration, certes tristoune, d’une vie qui s’est consumée. Que peut-il y avoir de si hilarant qui fasse lâcher la bride à la retenue de mise en de pareilles circonstances ?

Ses lèvres s’ourlent d’un délicieux sourire. Ses cils battent une fois. Deux fois. Puis frénétiquement, comme si elle essayait à la fois de contenir l’ange qui lui chuchote de ne rien laisser ternir sa joie, et le démon qui ne demande qu’à examiner les dégâts que vont irrémédiablement causer ce qu’il l’incite à faire.

« Laisse la joie te marquer de son doux baiser », lui dit l’ange. « Lâche la bride à la douce folie qui te consume », lui dit le démon. Ses chances de résister à une telle association sont minces. Qui le pourrait ?

Sa poitrine se soulève fortement. Ses bras se couvrent de chair de poule. Et elle s’éparpille en un rire aux accents de clochettes. Aussi  racée que du nacre. Sa joie déborde en remous indisciplinés. Elle se tient le côté, tellement elle rit fort. Des larmes dégoulinent sur le vallonnement de ses joues. Son voilage de soie noir se met légèrement de travers. Ses dents de bonheur sont exposées face au monde. Elle rit. Sa joie est pure. 

Une onde de choc balaie la salle. Les murmures feutrés deviennent des filets arides, se taisent. Mute. On n’entend qu’elle. Sa joie. On ne voit qu’elle. Sa joie. On ne ressent qu’elle. Sa joie. 

Et sa joie n’en a cure. Sa joie rit. Elle resplendit. Sa joie chatoye. 

Je n’ai jamais rien vu d’aussi ridicule de toute ma vie. J’ai rarement vu quelque chose de si peu approprié. Pourtant, jamais vision n’a autant transfiguré mon esprit que celui de cette authentique joie.

Là d’où est venue la joie

Je sens des bulles aériennes se former depuis les niches secrètes en mon sein. Elles remontent mon oesophage à toute allure. Elles chatouillent mon palais, ma langue et mes lèvres. Elles menacent de sortir. Elles veulent sortir. Je les sens légères, douces & colorées à l’arrière de mes lèvres. Elles se disputent gentiment le privilège d’être la première à s’élever vers les cieux. Libres de toute entrave.

 Je ne peux leur refuser le passage. J’éclate en un rire sonore et disgracieux. Ma joie éclabousse les murs et les voilettes guindées qui m’entourent. Mon rire réveille en sursaut mon cœur somnolent. Au fond de mes yeux se sont réfugiés les flammes chaleureuses du flamboyant crépuscule.

Ça faisait très longtemps que je n’avais pas ressenti cette émotion aussi brute de décoffrage. Il aurait juste fallu d’un beau souvenir.

Une pulsion trop forte. Incontrôlée. Joie. 

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