Ma sœur, mon amie

Article : Ma sœur, mon amie
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3 juin 2024

Ma sœur, mon amie

Ma sœur s’appelle Vertu. Un fort joli prénom me direz-vous. Et, je serai totalement de votre avis. Accessoirement, elle est aussi l’une de mes deux meilleurs amis. Le second étant Jean-Michel, mon frère. Elle est l’une des seules personnes sur qui je sais pouvoir compter, sans qu’il n’y ait de contrepartie exigée. Dans ce monde intéressé où nous vivons, ça n’a pas de prix.

Ma sœur, sa positivité à toute épreuve

Ma sœur a ce peps, ces bulles qui me font si cruellement défaut. Toujours à voir le verre à moitié plein. Pendant ce temps, je suis décidée à ne contempler que l’immense désolation, de cette moitié de verre dépourvue d’eau. Ses parois en sont si sèches, qu’elles sont dénuées de la plus infime buée.

Chaussures
Chaussures à talons

Ma sœur a toujours eu les mots pour m’aider à ne pas sombrer. Toujours disposée à voler à mon secours. Constamment présente pour m’épauler. Ses bons mots ont en partie fait de moi, la personne que je suis aujourd’hui. Elle est le genre de personne qui te dira : « Oui, c’est gris. Mais pas gris anthracite, voyons! Disons plutôt gris perle ». Cet entêtement à ne voir que le bon côté des choses, est par moment hautement agaçant. Parfois, lorsque je suis submergée par l’envie d’être négative, elle me saoule. Je l’avoue (avec une toute petite voix)

Elle est l’une des personnes de qui j’ai le plus appris. Aussi bien dans les petites choses que dans les grandes. C’est en la regardant se bichonner, que l’enfant que j’étais, s’est inconsciemment mise à avoir des petits gestes, qui se sont avérés fort utiles au quotidien. C’est en l’écoutant, que j’ai appris à fixer mes limites, à les maintenir, et à taper sur les doigts qui se hasardent à les brouiller.

Ma sœur, joyau esthétique

Sœur
Vue de derrière

Alors que j’étais une adolescente et au début de l’âge adulte, ma sœur avait ce « don » de susciter en moi une foultitude de sentiments mitigés ( Que lise entre les lignes qui a la capacité de le faire 🙂 ). Malgré ce léger décalage dirons-nous, j’aimais cela. Parce que la présenter comme étant ma sœur, me rendait fière.

Peu s’en est fallu qu’elle ne soit tout ce que je désirais être. Nous avons hérité, il faut bien le reconnaître, de superbes gènes. Il n’empêche qu’elle sait mieux que personne sublimer ce qui lui a été donné en offrande. Son nez se retrousse joliment, quand elle laisse tonner un rire, qui est tout l’opposé des légendaires rires tintinnabulants que déclament les beaux papyrus. Mais, il porte en lui ce qu’il y a de plus joyeux sur terre.

Elle a ce si joli tic qui lui fait parfois porter la main à ses lèvres, dissimulant ainsi en partie son sourire. Son unique fossette sur la joue droite attire irrépressiblement les regards. Un tel vice ! Un affront à mes joues dépourvues de fossettes, que cette unique joliesse qui me nargue avec un charme tel, que je n’ai que le courage de la trouver superbe.

Sœur, Vertu, rire, fossette
Ma sœur, sa fossette, son rire

Une sœur, aux talents multiples

Vous avez dit une femme extrêmement douée ? Elle l’est sans aucun doute. Je le dis non point parce qu’il s’agit de ma sœur, mais j’énonce juste un fait. J’ai pour habitude de penser que son esprit est acéré, ses réflexions sont profondes. Elle a une capacité d’analyse effarante doublée d’une remarquable polyvalence.

Un exemple frappant est celui de la machine industrielle. Elle a plongé ses mains dans le cambouis, pour réparer cette machine que tout le monde lui a déconseillé de seulement toucher, parce qu’elle pourrait l’endommager. Au final, elle maîtrise la machine presque aussi bien que le technicien en charge.

La curiosité de ma sœur est insatiable. Elle couvre des sujets sans liens les uns avec les autres. En conséquence, elle prend le temps de s’y intéresser, de se documenter jusqu’à devenir experte sur la question. Tout ça en appréciant chaque seconde du processus.

Je suis convaincue qu’elle pourrait se faire tirer un siège au sommet du monde si tel était son vœu. Mais, son cœur est autre part. Certains jours comme aujourd’hui, je le regrette. (Le toupet qui me fait regretter des choix qui ne sont pas miens :))

crédit photo moi

L’exemple des piqûres illustre très bien la diversité de ses centres d’intérêts. Elle a appris par des tutoriels à faire des intraveineuses, des intramusculaires et des injections sous-cutanées. Juste parce que ça l’intriguait.

Quand le cortisol est en chute libre dans mon organisme, je fais appel à elle pour mes piqûres d’urgence. Sans compter que lorsqu’elle est elle-même le sujet d’une urgence de type piqûre, elle s’auto-soigne, pour peu qu’elle ne soit pas réduite à l’état de carpette. (Ne vous inquiétez pas. Un médecin a validé sa performance :)). D’autant plus admirable que l’on me chuchote dans l’oreillette, que certains docteurs font des crises de nerfs quand on en vient à la question des piqûres.

Personnalité tumultueuse

Je suis obligée de dire que ma sœur a un caractère … peu ragoûtant. Ses mauvaises humeurs sont légendaires.

Orageux, nature
Nature orageuse – Image par Vilius Kukanauskas de Pixabay

Ses colères sont telle la météo du moment à Lomé : volcanique. Ses sautes d’humeur sont infernales. Son silence est une barrière en acier trempé. Quand elle ne veut pas décrocher un mot, eh bien, elle ne décroche pas un mot. Débrouillez-vous avec.

Même si un cheval par quelques tours de passe-passe, se retrouve soudain doté du don de la parole et lui dit des mots gazouillants, elle ne bronche pas. Elle n’est pas facile à vivre, je le crains fort. Je me suis cassée les dents plus de fois que je ne saurais m’en souvenir. Je lui en veux parfois, souvent. Avec hargne.

Certaines fois, elle atteint un niveau ultime de son côté chiant. De temps en temps, ces périodes coïncident avec mes moments de réflexion intense sur divers projets. Leur viabilité ne laisse aucun doute dans mon esprit. Mais, je ne trouve que des portes closes quant au financement. Eh bien, dans ces moments-là, j’envisage très sérieusement de vendre ma sœur. Pour ensuite investir ce capital que j’imagine colossal, dans la réalisation de mes desseins. (Mesdames, messieurs, chers tous, notre prochain lot est une Vertu. Les enchères sont ouvertes! :)). Mesurez par vous-même son degré de chiance.

Mais au terminus, je l’aime d’amour. Et c’est ce qui prévaut. S’il avait fallu que je conçoive en personne le programme de la sœur qu’il me faut, le design qui en serait ressorti serait, sans aucun doute, elle. Enfin, à une ou deux choses près quand même.

Fragile mais résiliente

La vulnérabilité de ma sœur est bien cachée. Elle porte en elle des meurtrissures profondes mais bien planquées. Contrairement à moi, elle n’est pas expansive. La thérapie par la parole n’est pas son fort. Elle se tait, et trouve d’autres moyens pour évacuer son mal-être.

Les actes et les paroles de personnes qui auraient dû la protéger, mais la jette plutôt aux loups, la heurtent. Comme nous tous, j’imagine. Qui mieux que ceux à qui nous confions notre cœur nous font le plus souffrir ? N’est-ce pas ceux-là même vers qui notre organe nous guide, qui sont le plus susceptible de gracieusement nous le rendre piétiné, en miettes et contusionné au point d’en être méconnaissable ?

Et, du fait que nous sommes, elle et moi, des vases communicants, je l’entend souvent geindre dans le secret de son cœur.

Roseaux, crépuscule
Roseaux au crépuscule – Image par wal_172619 de Pixabay

Ses sentiments sont invalidés plus souvent qu’à leur tour. Ses accomplissements sont minimisés. Je ne saurai dire si c’est à cause de cette impression de frivolité – ô combien trompeuse! – qu’elle donne. Mais, je me rends compte qu’on ne la prend pas toujours au sérieux. Les humains ont décidément cette bien sale manie de juger sur les apparences.

En plus de cela, on ne lui reconnaît pas le droit de s’effondrer. De s’écrouler même. Peut-être parce que lorsqu’elle est au mieux de sa forme, elle communique aux autres de l’énergie, de la force, comme peu de personnes sont taillées pour ce faire. Un shot multivitaminé à l’état pur. Peut-être.

Et moi qui ne suis qu’une observatrice impuissante, je ressens une douleur fantôme, lorsqu’on la poignarde, elle. Je ressens sa peine pourtant si bien dissimulée. Je la perçois aussi sûrement que si nous fûmes forgées de mottes d’argile voisines.

Pourtant, elle réussit jour après jour à faire de cette fragilité une force. Elle la regarde dans les yeux et la contraint à devenir une arme. Sa force. Parfois, elle suréagit pour affronter certaines situations. Et puis, elle ajuste le tir. Ma sœur devient alors policée, donnant cette délicieuse impression que pour elle tout est facile. Pendant ce temps, le sable brûlant du Sahara brûle la plante de ses pieds non chaussés. Et, c’est dans ces moments-là qu’elle est le plus redoutable. C’est une battante. C’est une survivante.

Ma sœur, toujours là pour moi

Je peux dire sans craindre de verser dans la démesure, qu’elle a toujours été là pour me soutenir. Lorsque j’ai dû subir mes opérations des yeux, elle a tout lâché pour me prêter main forte. Lorsque mon mental – qui décidément n’aime pas le beau fixe -me jouait des tours pendables tout au long des années, elle a tenu ma main. Fermement.

Sœurs
Des sœurs – Image par GrumpyBeere de Pixabay

Plus récemment encore, elle a fait fie autant que faire se peut, de sa propre santé déclinante, pour se tenir debout à mon côté, dès l’instant où je suis tombée malade. Au cours de ces presque deux ans où j’ai quotidiennement affronté la maladie, je n’ai pas souvenir qu’elle m’ait ne serait-ce qu’une seule fois dit : «  Moi aussi je souffre. Tu en fais un peu trop ». Ou quelque chose d’approchant. Pour autant, sa santé s’effilochait plus sournoisement que la mienne. Son mental prenait l’eau et son corps la lâchait.

Je l’ai vu lutter pour garder la tête hors de l’eau. Puis prendre la tasse. Et finalement s’étouffer. Et pendant qu’elle inhalait de l’eau par ses orifices, elle n’hésitait pas à me pousser moi, hors de l’eau, pour que je puisse avaler cette goulée d’air salvatrice.

Elle est juste là, m’insufflant du courage. Parfois, elle est juste une présence silencieuse. Mais toujours constante et réconfortante. S’il lui est arrivé de flancher, je sais que c’est parce qu’elle était submergée.

Plaisante extravagance

Elle est aussi folle, ma sœur. Absolument et superbement. Une belle folie qui lui fait prendre plaisir dans les petites choses simples. Elle esquisse sans raison des pas de danse impromptus, que notre société idiote et rétrograde prétend ne plus être de son âge.

Vertu, sœur
Elle, de couleurs flamboyantes vêtues

De quelle abyssale bêtise cet environnement rabat-joie et en pleine disruption fait part ! ( Chuchotements au creux de votre oreille : parfois c’est son armure pour ne pas craquer. Ne le lui répétez pas )

Sœur & amie

La vie a malmené ma sœur. Mais elle est tel le roseau qui plie mais ne rompt pas. Elle est forte. Vertu, c’est ma sœur ainée. Elle est aussi ma plus proche amie.

Nous sommes elle et moi, les deux moitiés d’une même pièce. Nous finirons probablement par convoler en justes noces avec un même humain. Il reviendra un jour d’une de ses pérégrinations, pour trouver un tas de cendres à la place de notre foyer. Parce que ma sœur et moi y aurons mis le feu lors d’un de nos épisodes psychotiques de rage « sœurternel » , dont les retombées aggraveront le réchauffement climatique. Et au milieu des cendres, nous serons soit en train de nous fusiller du regard, soit au bord du fou rire.

L’encre de ma plume s’assèche, alors que je n’ai pas encore dit le quart de ce que je voudrais dire la concernant. Mais, je désirais partager avec vous cette belle personne. En espérant que vous aimerez mon amie, ma sœur, ma Vertu autant que moi je l’aime.

Jeunes Femmes
Jeunes femmes enlacées, vue de derrière – Image par Joel Harold Pardo Palomino de Pixabay

Et en croisant les doigts pour qu’elle esquisse un sourire en lisant ces mots. Pourvu qu’elle ne m’en veuille pas d’ainsi la partager avec vous ! Yé bé égnã mou kouna wo* 🙂

Un de ces matins, je vous présenterai le dernier élément de notre triumvirat : mon frère, mon Jean-Michel.

Avez-vous un frère ou une sœur qui sont aussi vos amis ? Ravissez-moi d’une anecdote de votre vie avec il/elle.

À vous, toutes les sœurs de sang ou non, que la vie nous a données, nous sommes reconnaissants de vous avoir.

Délivrance

*Yé bé égnã mou kouna wo : du mina. À peu de choses près : avec elle on ne sait jamais

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