Sur le chemin du retour à Kpalimé, il pleut

Article : Sur le chemin du retour à Kpalimé, il pleut
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4 juin 2021

Sur le chemin du retour à Kpalimé, il pleut

L’année dernière, au moment où Miss Covid a débarqué chaussée de gros souliers là où les lutins se font évanescence et grâce, je me suis rendue à Kpalimé*. J’ai fait une rencontre fa.bu.leu.se. sur le chemin de retour. J’ai retrouvé l’autre jour dans mes notes le parfum persistant de ce tendre moment partagé.

Sur le chemin de retour de Kpalimé, il pleut. Derrière la vitre, les arbres sont courbés sous la force du vent qui cravache la création entière. La pluie cingle le toit de la voiture de gouttes rageuses et vengeresses. Des gouttes d’eau dégoulinent à n’en plus finir sur le pare-brise. Les essuie-glaces ne savent plus où donner de la tête. Ils ont le vertige à force de tourner follement.

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Il pleut, vu par la vitre d’une voiture : Image par tookapic de Pixabay

Derrière nous, les montagnes se profilent au loin, auréolées de brume et de mystères. De temps en temps, de petits hameaux se dessinent sous la pluie. Le peu de véhicules qui sillonne la route roule avec grande prudence. Ce n’est, certes, pas le moment de jouer les as du volant. La visibilité est nulle au fur et à mesure que les éléments gagnent en confiance. Parmi les plus prudents, certains automobilistes se garent en bordure de route et patientent. Sous la pluie battante, des barrages de police. Pluie ou pas pluie, les gendarmes s’assurent de contrôler les véhicules qui passent. Covid oblige.

Une jeune femme marche aussi tranquillement que si le temps était du plus pure des bleus. Peut-être aime t-elle autant la pluie que moi ! Je l’envie. J’entrouvre la vitre. J’inspire l’air frais avec délectation. Les gouttes de pluie attirées par ma chaleur, me piquent la peau tel un amant qui me rudoie légèrement dans sa précipitation à me combler. J’aime cette sensation. Je sais que rien de mal n’en découlera.

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I find peace in the rain via Giphy
Entracte

Brusquement, il se produit une éclaircie. Je regarde devant moi et je trouve un sol presque sec dans un court rayon. Mais plus loin, je vois le sol en train de succomber à l’assaut de charme de la belle. Derrière moi, la pluie s’en donne à cœur joie. Là où je suis, elle n’est qu’illusion et rêve. J’ai l’impression d’être projetée dans une poche de réalité alternative. Je suis fascinée. Encore quelques mètres, et voilà. Il pleut à nouveau. A nouveau cette pluie ensorcelante.

De plus belle

Les roues de la voiture patinent dans un virage. C’est dangereux, mais exaltant. Les nids de poule de la chaussée qui se dissimulent malicieusement sous le manteau de l’eau de pluie n’arrangent pas les affaires des conducteurs. Mon oncle est concentré sur la route. Sa nuque est légèrement raide. Je perçois sa concentration comme une émotion qui essaie vainement de parasiter ma paix.

L’eau des flaques giclent sous les roues de la voiture. Un automobiliste s’échine à changer son pneu sur le bord de la route. Je compatis de tout cœur. Je compte deux motocyclistes sur des kilomètres. Ils sont futés. Il ne fait pas bon être à moto quand la nature règle ses comptes. La végétation resplendit. Les arbres – essentiellement des palmiers et des tecks – frétillent de joie. Le sol hurle au bonheur. La pluie règne en maître. En maîtresse, plutôt. Vêtue de cuir et maniant sa cravache avec nonchalance, précision et intensité. Elle a mis du temps à venir mais la voilà enfin.

Les cieux s’illuminent de plus belle. Il pleut avec détermination. C’est un fabuleux spectacle. Par la vitre entrouverte, des gouttes d’eau égarées caressent ma peau attirées par la chaleur. Et je me sens bien. Installée bien au chaud, les pieds calés contre le repose-tête devant moi, j’admire la furie de mère nature. Son faste et sa beauté ravageuse et déchirante. J’aime vraiment, – beaucoup, trop, à la folie – la pluie.

Fin de la représentation
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Nature après la pluie – Image par Gundula Vogel de Pixabay

La pluie s’arrête. La bonne odeur du sol gorgé d’eau me parvient par la vitre ouverte. Des arbres ont cédé sous l’assaut du vent et sont tombés sur la chaussée, masses lourdes et dangereuses sous le gris perle délicat des cieux. Les dégager prend un temps fou et une file interminable de véhicules se forme. D’où viennent-ils d’ailleurs, ces véhicules ? Je n’ai pas souvenir de les avoir vu sur les derniers kilomètres. Mais peut-être étais-je trop absorbée par la beauté de la pluie. Ils nous faut prendre notre mal en patience. Je ne suis pas réputée pour ma patience. Tout ceux qui me connaissent un tant soit peu vous le diront. Mais je me sens encline à la tolérance après cet épisode de plaisir brut.

Très cher tous, mon amie de toujours, la pluie !
Ovations. Le rideau tombe.

*Kpalimé : Ville du Togo

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