Dossier cortisol (1) : Être skinny, de l’autre côté du voile

Article : Dossier cortisol (1) : Être skinny, de l’autre côté du voile
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25 mai 2023

Dossier cortisol (1) : Être skinny, de l’autre côté du voile

J’ai toujours été ce qu’on appelle skinny. Avec le recul, je réalise que sans m’en rendre compte, j’étais d’une certaine manière, un peu obsédée par la minceur. Je souffrais possiblement d’une certaine forme de dysmorphophobie. Une forme mineure probablement. Mais quand même. Parce que ce n’était jamais assez. Je me trouvais toujours trop ceci. Ou pas assez cela. Et encore très ceci-cela.
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Femme noire skinny : Image par HANSUAN FABREGAS de Pixabay

Mais aujourd’hui, je pense pouvoir dire que j’étais vraiment skinny. J’aime être mince. Skinny est toute la chose. La société qui nous conditionne si allègrement, y est sûrement pour quelque chose. Mais, au-delà de ça, je trouve le rendu beau. Plus encore, ça me convient parfaitement.

Transiter de skinny vers moins skinny

Et puis il y a quelque temps, j’ai commencé à ne plus l’être, skinny. C’est venu tout doucement d’abord. J’ai commencé à avoir des joues. Rien de nouveau sous le soleil. La propension à prendre du gras dans ces régions-là, se trouve inscrit dans mon code génétique.

Comme de bien entendu, beaucoup de ces chers gens que ça ne regardait en rien, trouvait ça trop marrant. « Oh les jolies joues que voici ! ». Toutefois, je ne suis plus une enfant à qui on fait des poutous. Surpris hein. Vous m’entendez lever les yeux au ciel ?

Ces trucs m’ont toujours agacée comme jamais. Mais qu’est-ce que je leur en aurais collé une ! Je suis fort chagrin de reconnaître que je ne l’ai pas fait. A tous les coups, ça aurait été un défouloir des plus agréables.

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Fillette joufflue : Image par Angela Rose de Pixabay

Au fil des semaines, j’ai commencé à changer. Mes vêtements rapetissaient. Un mauvais garnement s’amusait à les repriser durant la nuit. Le lendemain, je me retrouvais avec des vêtements absolument importables. Rétrécis de 2 tailles. Mon physique était toujours assez … mignon, dirons-nous (le politiquement correct les amis, le politiquement correct peut vous sauver les miches en temps de crise ! ). Mais ça commençait à ne plus le faire.

Déjà que je ne suis définitivement pas une grosse mangeuse, je me suis mise à surveiller ma nourriture. A faire plus de sport. Les HIIT (High Intensity Interval Training ou Entraînements fractionnés de haute intensité) se sont invités avec une plus grande fougue dans mon quotidien. Rien n’y a fait. Skinny se dérobait telle une amante capricieuse. Ou une savonnette glissante. Faites votre choix.

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Sportive : Image par Iulian Mindrila de Pixabay

Gaffe à vos réflexions !

J’ai eu droit à florilège de réflexions désagréables. « Tu grossis hein ». Mine de rien, ces mots sont bourrés d’une malveillante jubilation. Ne vous-y trompez pas. La formulation se veut polissée. D’un autre côté, le tempo est insidieux. L’intention derrière est souvent détectable. (Souvent étant mis pour le bémol. Parfois, c’est juste une réflexion faite sans vraiment y penser. Ou une personne qui s’inquiète vraiment pour vous, mais d’une façon un peu maladroite).

Dans tous les cas, il est probable que votre vis-à-vis perçoive ces mots comme une agression. Tout est fonction de si cette prise de poids que vous soulignez si peu délicatement, est désirée ou non. Appréciée ou pas.

Je les ai ainsi perçus. « Maintenant, tu es plus grosse que moi ». « Mais, je ne fais que dire ce que je vois oo ». Ah. Évidemment, moi je ne vois pas. Donc, j’ai besoin de votre empressée contribution.

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Agacement : Image par Yadira Jimenez de Pixabay

Tout le monde a vu ce qu’il a bien voulu voir. Mon ressenti à moi, on n’en a rien à fiche.

Certains se réjouissaient. Si, si. Skinny-Del n’est plus. Vive Del ! D’autres m’en ont tenue pour personnellement responsable. Étant entendu que si elle grossit, c’est qu’elle n’en fait pas assez. En contraste, d’autres encore trouvaient ça trop génial, ma nouvelle forme. Et ils ont tous superbement manqué de voir que quelque chose allait de travers.

Cependant, j’essaie de ne pas trop leur en vouloir (En vrai, à ce stade, je ne leur en veux plus. Ça m’amuse d’observer leur gêne manifeste, et leur souffreteux repentir). Après tout, même moi, j’ai manqué l’éléphant maousse assis au milieu du corridor. Je ne m’étais pas rendue compte dans les 10 premières minutes, que c’est plus que ça : un simple passage de skinny à moins skinny.

Je le vivais mal, parbleu ! Bien évidemment que oui que je le vivais mal ! Néanmoins, le tout est de maîtriser l’art de savoir vivre planqué en public. De toute façon, je n’ai pas eu le choix. Les dés étaient pipés.

Je ne me suis pas gênée pour rabattre les caquets rabattables à tour de bras. J’ai composé avec les inrabattables. Et, j’ai continué mon bonhomme de vie. En outre, 2022 a été compliqué. Les répercussions étaient presque minimes en comparaison.

Des mots réconfortants

Mais, des fêlures dont je n’étais pas consciente se faisaient sûrement voir dans ma carapace. Une personne que j’affectionne éminemment, et qui ne ratait jamais l’occasion de me dire son affection pour mon tout nouveau physique, m’a un jour écrit : « Je te trouve très bien comme tu es. Mais je vois que tu en souffres. J’espère que tu vas retrouver la skinny-toi que tu aimes tant, et bien aller ». En gros. Les mots-clés étant « que tu en souffres« .

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Skinny en souffrance : Image par Myriam de Pixabay

Ce n’était pas encore de l’ordre du dramatique. Mais oui, j’en souffrais. Ça m’a touchée. Une personne autre que la Vert-dans-sa-verdure et J’aime (noms de code pour les deux autres moi qui arpentent la planète terre) voit ! Regarde au-delà des apparences. Il faut dire que j’étais quand même un peu catastrophée. Pas si opaque que ça finalement, la Délivrance.

Mais ça m’a touchée. Ça m’a réchauffée. Tout comme ces mots de mon neveu, en parlant des changements intervenus sur mon physique. « Ma tatie, de temps en temps, il est bien de changer de vêtements ». Ah ! Je vous souhaite vivement d’être entouré de ce type de personnes du genre humain.

Collision

Et puis, ça a dégénéré si vite que je me suis pris un vent épique. Un matin, je me suis vue dans un miroir, et je ne me suis plus reconnue. Skinny est à conjuguer au passé.

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Surpoids : Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay

Imaginez-vous cette femme bien en chair dont la simple pensée vous fait vous contorsionner d’aise. Ça fait des semaines que vous n’avez pas serré son ample poitrine contre la vôtre. Maintenant, vous avez un problème. Elle est là. En train de foncer sur vous.

Vous êtes censé la réceptionner en plein vol, un peu comme dans les films romantiques. De l’amour que vous lui portez, point de doute à avoir. Mais vous avez peur de ce qui pourrait se produire, quand elle sera à portée de vos mains avides.

Eh bien moi, je n’en voulais pas de cette étreinte. Je ne l’aimais pas. J’abhorre tout ce gras. Je voulais skinny, alors peut-être ai-je joué à l’autruche ? Enlevant quelques tours de taille à ma dulcinée ? Il ne me semble pas. Je n’ai juste rien vu venir. Je me suis simplement retrouvée aplatie au sol par la dame, sans savoir comment je me suis retrouvée là.

Dégringolade

Qui est-ce, cette personne limite difforme qui me regarde ? Quelle est cette personne qui bouge quand je fais mouvoir mes membres ? Qui sourit quand je sens les encoignures de mes lèvres se plisser ? Moi ? Délivrance ? Non, pas moi. Cela ne se peut. Je suis skinny. Physiquement, ça m’a toujours définie en grande partie. Mais, il semblerait que je ne le sois plus. Tout s’est passé à une vitesse ahurissante. Ça a été, c’est, limite traumatisant.

Des tas de kilos de gras et d’interminables visites chez médecin, docteur, professeur, – et quelques rencontres avec des appareils rébarbatifs et peu sympathiques – plus tard, je viens raconter mon histoire. En cours de rédaction, et non encore achevée. L’histoire d’une « il était une fois skinny » qui a franchie le voile.

J’en reviens un pas après l’autre. Et comment que j’en reviens ! Je n’ai certes pas l’intention de faire de ces lointaines contrées une résidence permanente. Mais, je peux relater de première main ce qui se passe ailleurs. Pour y avoir été. Pour y être toujours, je mets bas les masques sur ce qui se passe sous le litsam.

Je suis partie pour une série de billets en fonction de là où l’inspiration me conduira. Plus important encore, de là où mon esprit coquet pourra survivre à un effeuillage qui s’annonce douloureux. A une mise à nue qui se profile lancinante.

Là où tout ce bazar a commencé ? Une hormone avec une fort jolie dénomination : le cortisol.

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Commentaires

Virginie
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Une envie folle d' étreindre cette belle âme et la rassurer.