Les travaux ménagers : l’hydre de Lerne

Avez-vous remarqué comme les travaux ménagers sont quasi omniprésents dans nos vies quotidiennes ? Et pas d’une façon qui pourrait être qualifiée d’agréable. Ils sont plutôt assimilables à la fameuse hydre qu’Hercule a affrontée.
Petit cours de mythologie pour ceux qui ne sont pas branchés folklore. Parlons mythologie grecque. Hercule/Héraclès était un demi-dieu, fils de Zeus et d’Alcmène. Ayant dans un excès de folie tué sa femme et son fils, il se voit imposé de réaliser douze travaux réputés irréalisables.
Arrêt sur le numéro deux de la liste des douze : l’hydre de Lerne. L’hydre était un monstre possédant plusieurs têtes dont la centrale est immortelle. Pour la tuer, il fallait couper toutes les têtes en une fois ou elles repoussaient plus nombreuses encore. Il a finalement accompli ce travail avec le concours d’Iolaos. L’hydre versus Hercule : Hydre 1 – 1 Hercule.

Les travaux ménagers, monstre à têtes multiples
En mon for intérieur, je suis convaincue que les travaux ménagers sont une espèce de monstre venu d’une autre réalité. Ce monstre, les armes humaines ne peuvent visiblement pas le tuer. Il y a quelques années, j’étais le genre de fille assez barge pour aimer les travaux ménagers. Vous savez, laver, balayer, frotter, récurer… J’avais ce délicieux sentiment de travail fait et bien fait une fois que j’avais fini. Je contemplais mon œuvre avec fierté. Les carreaux étincelants me comblaient d’aise. Un lit bien dressé me ravissait. Les divers objets rangés à leur juste place m’émoustillaient grandement. En général, les travaux ménagers bien exécutés me laissaient pantelante au seuil de la jouissance. J’étais à ce point « dérangée ».
Mais, il se trouve que quelque part en cour de route, j’ai pigé tout le non-sens de la chose. L’hérésie de ma passion pour la bête immonde à têtes multiples, j’ai nommé les travaux ménagers, m’est apparue un beau jour.
Maintenant en passant la serpillière, je ne peux m’empêcher de penser que demain, après demain ou la semaine prochaine il faudra le refaire. Le sol sera sale à nouveau. Surtout avec l’Harmattan* qui pointe le bout de son nez plein de poussière et d’éternuements intempestifs. En passant l’aspirateur, je ne peux pas ne pas penser que les tapis ne resteront pas impeccables très longtemps. En faisant la vaisselle, même son de cloche. Ils repousseront tels de gigantesques champignons vénéneux déterminés à me pourrir la vie. Pareil pour la lessive. Nous lavons nos vêtements pour mieux les salir. Faire le lit ? Il se défait. Ne me dites pas que nous le défaisons nous-mêmes dans les affres de notre non-sommeil. J’ai dit il se défait. Point. Idem pour le balayage, surtout quand on sait à quel point les habitantes de Lomé sont des balayeuses compulsives.

Les travaux ménagers sont vraiment comme ce monstre à têtes multiples de la mythologie grecque. Coupez-en une et deux autres repoussent aussi sec. Elles n’attendent que ça ces têtes. Que vous ayez la folle idée de les couper pour qu’elles repoussent plus grandes, plus fortes. Plus emmerdantes.
L’hydre intemporelle
Nous avons vraiment affaire à un monstre tenace. Mais contrairement à Hercule, je ne pense pas que nous puissions en venir à bout. Parce que devinez quoi ? La tête immortelle de la masse grouillante est notre propre humanité. Aussi longtemps que nous sommes en vie, il nous faudra tailler le gazon n’est-ce pas ? Laver les assiettes, balayer un endroit ou un autre, faire la lessive, laver la douche et tout ça.
Il serait bien évidemment impensable d’utiliser des sanitaires pendant 20 ans sans un petit coup de brosse. L’ image dégoutante que vous avez à l’esprit s’impose d’elle-même. Nous sommes condamnés à trancher dans ces têtes immondes pour le restant de nos jours. Nul Iolaos ne viendra à notre secours.
Je sais, ça a l’air horrible présenté comme ça. Mais ce n’en est pas moins la vérité. Rien que la stricte vérité exposée crument en pleine lumière. Nos ancêtres étaient soumis à ces lois et nous le sommes tout autant.

Travaux ménagers, commander autoproclamé
Pensez à n’importe lequel des travaux ménagers que vous effectuez, ceux qui vous obligent à poser le genou à terre. Parce que dans l’histoire les vrais maitres ce n’est pas nous. De vulgaires travaux ménagers brandissent le bâton royal, le sceptre plaqué or du chef de village. Mesdames, messieurs faites une ovation aux travaux ménagers. (Applause. Le rideau tombe)
Si vous pouvez penser à une seule de ces têtes sifflantes, – comprendre travaux ménagers – , une que vous n’ayez dû couper encore et encore, une qui ne repousse pas une fois coupée, je vous prierai de bien vouloir partager avec la classe. Tout ce à quoi je peux penser, je l’ai déjà fait et refait dans ma vie certes courte mais témoin de tant de souffrances. Et je vois devant moi de longs jours où je vais devoir les refaire encore et encore jusqu’à ce que la mort nous sépare. Drôle d’union que la nôtre.
L’hydre versus Moi
En ce qui me concerne, je suis parfois tentée de laisser l’hydre couler ces vieux jours en paix, histoire de ne pas voir pousser d’autres têtes. Les poubelles déborderaient allègrement. Les assiettes s’empileraient jusqu’à ce que j’en sois réduite à me servir des feuilles des arbres. Je me baladerais aussi peu habillée qu’au jour de ma naissance pour ne pas avoir de linge sale. Je prendrais ma douche au grand air et ferais mes besoins en pleine nature. Exit les corvées du genre laver la salle de bain. Je mettrai tous les travaux ménagers à la porte d’une façon ou d’une autre. Ah ! Les douces joies de la rêverie.
Depuis que j’ai découvert la face cachée des travaux ménagers, mon ressenti est très mitigé. D’un coté je les hais d’une haine féroce, farouche, implacable. Je me sens submergée par ce monstre. Surpassée en force, en ruse et en malice sournoise. Je me demande pourquoi les monstres n’ont la décence de crever que dans les légendes. De l’autre coté, j’éprouve encore maintenant une pointe de satisfaction mal placée devant des surfaces que j’ai rendues étincelantes par mon dur labeur. Hydre 100++ – 0 Délivrance. Elle est pas belle la vie ?

Et vous, de quelle team êtes-vous ? Barge-j’aime-les-têtes-sifflantes ou J’embauche une femme de ménage ?
* Harmattan : Vent chaud et sec qui souffle en Afrique subsaharienne de Décembre à Février – Mars
Commentaires