Perte et compassion

Article : Perte et compassion
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10 avril 2023

Perte et compassion

J’ai rarement autant expérimenté la force du mot « Perte ». J’ai rarement autant eu le blues. Je me rends compte que je n’ai jamais réellement été percutée par la force des émotions que véhiculent les mots : « Je me sens… vide » avant cet instant.

Malgré tout ce par quoi je suis passée, tout ce que j’ai vécu et expérimenté, tout ce que j’ai perdu, ce vide est venu par un canal qui ne me touche ni de près, ni de loin. Ni même de plus loin que ça. Peut-être est-ce justement ça. Ici et maintenant, je n’ai pas besoin d’être forte.

Perte
Perte – Via Canva

Sa perte

Je peux juste laisser le ressac de la perte d’autrui me balayer par vagues furieuses. Je peux juste laisser une perte qui n’est pas mienne, me mettre la tête sous l’eau. Je n’ai pas à prétendre être un roc immuable. Je peux laisser les torrents me malmener tout leur saoul. Laisser les rochers abrupts m’écorcher, un pan de chair après l’autre, jusqu’à ce que mon cœur soit des lambeaux de chagrin en tourmente.

Séparation définitive

Tout est parti de ce billet que j’ai lu il y a quelques minutes. Des mots tellement poignants. Si bien choisis. Des mots sans fioritures inutiles, mais qui exsudent la douleur et qui parlent de tragédie. Je me retrouve embarquée dans une perte qui n’est pas la mienne.

Et au moment où j’écris ces lignes, je ressens un vide énorme à l’intérieur de moi. C’est comme si quelqu’un m’avait violemment arraché quelque chose à l’intérieur de la poitrine. Et qu’on me demandait ensuite, de vivre sans.

Soucaneau Gabriel – Quête de liberté

Comment ces mots peuvent-ils avoir autant de pouvoir sur moi ? Des phrases parlant de la brûlure d’une séparation définitive et irrémédiable, j’en ai lu des tas et des tas. Des séparations définitives et irrémédiables, j’en ai personnellement expérimenté le cinglant fouet, jusqu’à ce que ma chair se déchire et que mon cœur en ressorte haché.

Qu’ont ces mots de si particulier, qu’ils me happent et m’aspirent dans un vortex sans fin où tout n’est que Solitude, Larmes et Contemplation muette ? Perte. Compassion. Étendue désolée. Je le plains. Je plains cet inconnu triste et solitaire. Je suis solidaire de sa perte. La compassion me balaie comme un raz-de-marée.

Je comprends, je compatis

J’aimerais le serrer contre mon cœur, lui caresser les cheveux, et lui promettre que tout ira bien. Une promesse que je sais ne pouvoir tenir. Je prononcerai ces mots malgré tout. Je veux essuyer ses larmes, lui faire à manger et le border dans son lit.

Un si grand élan du cœur pour un inconnu. Un trou noir s’est créé au centre de mon être qui n’a cessé de grandir depuis que j’ai lu ces mots. Ces mots par lesquels il déverse son cœur, sa détresse, son mal-être, son incompréhension et la violence du choc qu’il a subi.

Quand à la fin de la journée, je n’ai plus de réunions, plus d’appels, plus de rencontres, dans l’obscurité de ma chambre, je laisse les larmes couler.

Il y a tellement de choses que je n’ai pas eu le temps de lui dire.

Soucaneau Gabriel – Quête de liberté

Je commence à avoir froid. Enfiler un pull n’y change que peu de choses. Ses mots, je me les suis appropriés. Sa douleur et sa perte sont devenues miennes. Je suis une éponge qui se gorge d’une eau aux relents de stagnation.

Alors, j’écris pour m’en débarrasser. J’écris pour remettre le compteur à zéro. J’écris pour expulser ce qui n’est pas à moi, et qui pourtant alourdi ma besace. Le plaindre certes, mais garder mes distances émotionnelles par rapport à sa perte. L’encourager plutôt que de sombrer avec lui. J’ai du mal à ne pas laisser sa perte me dévaster. Mes doigts virevoltent sur le clavier. Mon cœur se déverse dans les mots.

De mon cœur au sien

Perte & Compassion
Perte et Compassion – via Canva

Cher Monsieur,

Nous ne nous connaissons pas. J’ai lu votre texte sur le deuil via la plateforme commune que nous utilisons. Il m’a infiniment parlé. Votre détresse est si palpable à travers vos mots que je n’ai pu m’empêcher de vous écrire.

Si vous me permettez, perdre un être cher, c’est comme être amputé d’un membre. Il ne repousse jamais. Par contre la sensation fantôme perdure. Parfois, on essaye de se servir de ce membre machinalement sans y penser. Parce qu’il a toujours été là où il devait être, jusqu’à ce qu’il n’y soit plus. Et on se souvient avec un temps de recul qu’il n’est plus là.

Ça m’a fait cet effet à moi. Mais, on vit avec. Ou plutôt, on apprend à vivre avec. On accepte ce sur quoi on n’a pas de prise. Vous ne guérirez pas complètement, mais la plaie ne sera pas indéfiniment à vif. Elle cicatrisera même.

Personne ne comprend vraiment. Et comme vous l’avez souligné, chacun le vit à sa manière. Ça prendra le temps que ça prendra. Mais, je vous souhaite de parvenir à redresser la tête. Je m’excuse de m’octroyer le droit de vous envoyer cette note. En espérant qu’elle vous trouvera bien portant.

Encore une fois, toute ma sympathie.

Signé : Moi

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