Je ne fais qu’un avec la moto. Mon corps suit ses mouvements dans les virages. Elle répond à chacune de mes sollicitations avec avidité. Je ne sais plus où je finis et où elle commence. Vite, plus vite.
C'est un destin qui est gravé dans nos cellules sanguines, dans notre code génétique. Et aussi longtemps que nous serons des mortels, eh bien nous mourrons. Ame sensible et frileuse, abstiens-toi d'aller plus loin dans la lecture de ce texte.
Bien à l’abri dans le cocon de mon Lomé côtier, le coronavirus est apparu dans mon horizon comme une rumeur venue d’Orient. Elle a enflé en ralliant l’Occident puis l’Amérique, et un beau jour j’ai ouvert ma porte et elle était là. Prétendument réservée mais armée de la faux de la mort.
En mon for intérieur, je suis convaincue que les travaux ménagers sont une espèce de monstre venu d’une autre réalité, monstre que les armes humaines ne peuvent visiblement pas tuer.
Je prends le temps d'admirer chaque nuance de peau. Ces femmes sont toutes pleines de charme. Je me sens petite devant cette splendeur qu'est la femme noire. Mais je me sens grande d'appartenir à ce peuple. Grande d'être une femme noire.
Notre amour nous donne-t-il tous les droits sur ces êtres aimés ? Il ne laisse parfois pas de place au soleil à la personne aimée pour qu’elle puisse s’épanouir. Nous la voulons heureuse, certainement, mais dans notre ombre. Nous tenons absolument à être l’artisan de son bonheur.
Elle a appris dès son jeune âge que c’est acceptable que « l’autre femme » marche la tête haute, quand la légitime doit baisser la tête et subir. Elle a appris à courber l’échine. Tout supporter, tout endurer.
Je m'ouvre à la souffrance. Je la connais intimement. Elle s’engouffre en moi. Je reconnais son côté tranchant et abrasif. Je me réapproprie son goût de clous rouillés et de vieilles choses en décrépitude.